Le politique doit coopérer avec le citoyen
Le politique doit travailler en co-gouvernance avec le citoyen
12/06/2016
Les germes d'une nouvelle société
Les germes d’une nouvelle société…
14/06/2016

Nous sommes, silencieusement, en train de changer de valeurs…

Changer de valeurs

Comme régulièrement dans l’histoire, notre monde connaît des changements dans sa vision, ses valeurs, ses structures sociales, politiques, dans sa culture. En l’espace de quelques décennies un nouveau monde surgit que l’on met du temps à percevoir et à comprendre.

Actuellement nous vivons ce type de bouleversement…

Comme nous l’avons vu dans mon article précédent (1), ce nouveau monde est marqué par de profondes transformations non seulement au niveau technologique, scientifique, économique, managérial mais également au niveau sociétal.

En effet cette ère nouvelle qui laisse entrevoir les prémices d’une nouvelle société aux attentes différentes, aux valeurs nouvelles offre également l’opportunité extraordinaire de réinventer cette société, de la co-construire avec la base citoyenne qui attend et qui a déjà commencé ce changement.

 

Une nouvelle famille de citoyens tournée vers des valeurs de vie

Face à un environnement où la finance et l’économie priment sur des valeurs de solidarité et où le réchauffement climatique et la pollution prennent une ampleur sans précédent, de plus en plus de citoyens se tournent davantage vers des valeurs de vie, des valeurs humanistes.

Comme le montre leur étude sociologique, Paul H. Ray et Sherry Ruth Anderson (2) ont constaté l’apparition d’une nouvelle famille de citoyens : les créatifs culturels. Ni de gauche, ni de droite mais de «devant», ils désirent une autre alternative à la société actuelle et sont attachés à des valeurs de solidarité, de proximité et de respect. Ils seraient 100 millions en Europe et 50 millions aux USA. Certains sociologues pensent qu’il y a 2 milliards de «créateurs de culture» au niveau mondial. Ils aspirent à améliorer leur qualité de vie. Nous pouvons également les retrouver via les concepts de simplicité volontaire, de sobriété heureuse et de slow attitude.

La majorité sont des femmes (66%). Cette famille de citoyens, invisible pour les médias puisqu’ils n’en parlent jamais, travaille à la réintégration du lien social, souhaite une reconnexion avec la nature, sont dans une démarche plus créative, plus spirituelle et s’oppose à la société d’hyper consommation.

 

Des initiatives citoyennes privilégiant l’homme et la nature

Conjointement à ce mouvement nous voyons émerger dans le monde un nombre croissant d’initiatives citoyennes proposant des alternatives à la société actuelle prouvant qu’il est possible de faire autrement. Que des alternatives existent remettant l’humain et la nature au centre des préoccupations.

Dans le domaine agricole des alternatives s’offrent au modèle industriel dominant.

Des villes américaines et canadiennes voient naître des milliers de fermes et de jardins communautaires. Le mouvement de la « Guérilla verte » débuté en 1973 à New York compte 40 ans plus tard 800 jardins installés sur d’anciennes friches du Bronx, du Queens, de Manhattan, de Brooklyn (3).

L’agroécologie, les méthodes de socialisation des terres (jardins solidaires,…) ou d’autonomie alimentaire locale (l’agriculture urbaine,…) témoignent d’une réappropriation collective des terres par des citoyens qui s’affranchissent des multinationales dominantes.

Ces méthodes ont pour avantage de régénérer les terres au lieu de les détruire. Olivier de Schutter ancien rapporteur spécial de L’ONU sur le droit à l’alimentation confirme d’après ses différents travaux que la transposition de ces modèles à grande échelle favoriserait le retour au droit à l’alimentation pour tous et que le modèle agro-industriel est dépassé, que la solution aux défis alimentaires actuels ne viendra pas des États mais des citoyens (4).

Dans le domaine environnemental, un certain nombre de villes, de pays ont débuté leur transition énergétique, souvent à l’initiative de groupes de citoyens proposant des solutions alternatives aux énergies fossiles non renouvelables.

Aujourd’hui l’Islande utilise 87% d’énergies renouvelables par un mix global entre géothermie, hydroélectricité, pétrole et charbon(5). Copenhague en 2025 produira la quasi totalité de l’électricité de sa ville grâce à l’éolien. A l’image de San Francisco, des villes entrent dans une démarche du zéro déchet. En 2014 la ville était à 8% de déchets compostés ou recyclés, à l’horizon 2020 l’objectif sera de parvenir à 100% (6).

Dans le domaine de l’habitat, émerge également des coopératives d’habitants.

Développées au 19è siècle grâce au syndicalisme ouvrier en France et aux États-Unis, elles connaissent un nouvel engouement depuis une trentaine d’années, dû à l’inflation des prix de l’immobilier. Elles se sont étendues au Japon, à l’Europe de l’Est (Allemagne, Pologne) et du Sud.

A l’origine de ces démarches ce sont généralement des familles modestes qui cherchent un logement accessible et qui veulent s’impliquer dans un mode de vie beaucoup plus convivial (7).

Dans le domaine économique, les monnaies complémentaires se présentent comme des alternatives à la crise.

En effet, elles permettent de favoriser l’économie locale par l’activité qu’elle génère, entretien et alimente, et offre un système plus résilient en cas de crise. Prenons l’exemple du Wir. Monnaie complémentaire au franc Suisse, né en 1929 suite à la crise pour soutenir les activités des entrepreneurs locaux, elle ne peut circuler qu’en Suisse entre les mains de ceux qui adhèrent au projet. Elle est gratuite c’est-à-dire sans taux d’intérêt et ne nécessite donc pas d’être placée car elle ne rapporte rien. Elle reste de ce fait en circulation permanente et ne s’échappe pas du circuit local. 80 ans après sa création, le Wir a permis à un grand nombre d’entreprises locales de résister aux différentes crises et 60.000 PME Suisse l’utilisent soit 20 % des entreprises locales.

Bristol avec son Bristol Pound est un autre exemple de réussite de monnaie complémentaire. Pour chaque livre dépensée dans l’économie locale, elle génère 2,5 livres d’activité contre 1,4 dans un supermarché où l’argent quitte le territoire (8) .

La monnaie complémentaire n’a pas pour vocation de remplacer la monnaie nationale, elle fonctionne en parallèle, en complément. Elle est un outil de résilience pour retenir une partie de cet argent, pour l’empêcher d’être aspiré par de grandes compagnies internationales, capitalisées et de déserter des pans de l’économie qui en auraient besoin.

Nous pouvons également noter que l’accroissement d’ouvrages aux titres évocateurs relatant ces initiatives témoignent de cette réalité concrète qui fonctionne et qui donne un espoir sans précédent. Je citerai «80 hommes pour changer le monde», «Un million de révolutions tranquilles», «Les défricheurs», «Ils l’ont fait et ça marche», «Ils changent le monde!»(9)…

Parallèlement, le nombre d’entrées dépassant le million pour le documentaire récompensé au César 2016 par le prix du meilleur documentaire:«Demain, un nouveau monde en marche» (10), souligne cet intérêt grandissant, cette réalité. D’autant plus lorsqu’on sait qu’en 2014 un documentaire français réalisait 20.000 entrées en moyenne (11) !

 

Le retour à des valeurs humanistes universelles

Bien des maux viennent d’une globalisation qui s’est faite dans le cadre d’une occidentalisation du monde dominée par une logique mécaniste financière néolibérale. Une logique marchande, de profit et d’argent. Une logique où l’avoir prime sur l’être, où la quantité règne sur la qualité et où la croissance dépasse, surexploite nos ressources naturelles.

Au delà des initiatives et des changements qui émergent, il s’agit aujourd’hui de reconstruire ensemble une société fondée sur des valeurs universelles, autres que celles du système capitaliste industrielle, de l’intérêt particulier. Des valeurs d’humanité, communes, partagées, pour une communauté viable.

Dans une étude des divers courants philosophiques et spirituels de l’humanité, Frédéric Lenoir a pu observer à travers les grandes civilisations humaines la permanence de certaines valeurs fondamentales. Il en a relevé six que sont la vérité, la justice, le respect, la liberté, l’amour et la beauté. Ces six thèmes apparaissent dans toutes les cultures du monde comme des valeurs essentielles, des socles nécessaires à la vie individuelle et/ou collective. Selon lui, « c’est à travers ces valeurs que se manifestent véritablement la dignité et la grandeur, l’«humanité» de l’être humain (12).

La seule poursuite des valeurs matérielles: réussite sociale, profit, confort de vie est insuffisante pour apporter un véritable épanouissement à l’être humain et constituer des repères valables pour toute la planète. C’est à travers de grandes valeurs éthiques et existentielles que nous devons fixer nos repères universels.

 

Une société privilégiant la qualité de vie

Depuis les années 90, une partie de la population a pris du recul vis-à-vis de la société de consommation, devenant acteur de leur consommation, celle-ci est devenue choisie, minimale et tournée vers la qualité, la simplicité, le local, l’économie solidaire, le don et l’échange.

Le rejet d’une société de consommation au profit d’une sobriété heureuse, d’une qualité de vie, d’une simplicité volontaire. Ces nouveaux modes de vie lents et profonds amorcent un nouvel art de vivre qui est doucement en train de changer notre société. C’est un fait.

Une nouvelle société est en marche avec de nouvelles attentes, de nouvelles aspirations mais surtout avec de nouvelles solutions, de nouvelles alternatives à la société de consommation centrée sur des valeurs matérialistes.

Les valeurs semblent désormais se tourner vers plus de qualité de vie. Les citoyens agissent pour un autre monde plus humain et respectueux de l’environnement. De nouveaux contours se dessinent qui doivent maintenant se fixer à des valeurs plus universelles.

Références

  • (1) Voir l’article Vers un nouveau monde, Aurélie PIET, 2016 / www.aurelie-piet.fr
  • (2) RAY Paul H.& ANDERSON Sherry Ruth, The Cultural Creatives : How 50 million people are changing the world, Harmony Books, 2000. Les créatifs culturels, Yves Michel, 2002.
  • (3) www.greenguerillas.org
  • (4) Rapport du 24 janvier 2014 de fin de mandat présentant ses conclusions au Conseil des droits de l’homme des Nations Unis http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20140310_finalreport_fr.pdf
  • (5) www.statice.is/Statistics/Manufacturing-and-energy/Energy
  • (6) Voir page 146, Demain : un nouveau monde en marche, Cyril Dion, Actes Sud 2015.
  • (7) MANIER Bénédicte, Un million de révolutions tranquilles : Travail, argent, habitat, santé, environnement – Comment les citoyens changent le monde, Les Liens qui libèrent, 2012.
  • (8) cf Rob HOPKINS fondateur du mouvement ville en transition à Totnes (où la première monnaie locale anglaise a été lancée)
  • (9) DARNIL Sylvain et LEROUX Mathieu, 80 hommes pour changer le monde : entreprendre pour la planète, JC Lattès, 2005.
  • DUPIN Eric, Les défricheurs, Le Découverte, 2014.
  • D’ERM Pascale, Ils l’ont fait et ça marche, Les petits matins, 2014.
  • HOPKINS Rob, Ils changent le monde! : 1001 initiatives de transition écologique, Anthropocène Seuil, 2014.
  • MANIER Bénédice, Un million de révolutions tranquilles : travail, argent, habitat, santé, environnement…Comment les citoyens changent le monde, Les liens qui libèrent, 2012.
  • (10) DION Cyril,LAURENT Mélanie, Demain : Un nouveau monde en marche, Documentaire, 2015.
  • (11) Les études du CNC, juin 2015, Le marché du documentaire en 2014.
  • (12) LENOIR Frédéric, La guérison du monde, Fayard, 2012.

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Aurélie PIET

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