L’éducation parce qu’elle devrait permettre d’appréhender notre univers extérieur, intérieur, parce qu’elle forme les générations futures à la construction du monde de demain, revêt un rôle majeur pour l’individu et pour la société.
En effet, ceci est d’autant plus vrai aujourd’hui qu’il devient vital de penser, de modeler ce monde autrement. Un monde dont les enjeux climatiques et inégalitaires sont tels qu’y rester devient suicidaire. L’éducation a donc une mission primordiale à accomplir dans ce changement de paradigme.
Tout d’abord, la difficulté dont il faut prendre rapidement conscience est que l’école d’aujourd’hui n’est pas adaptée aux défis actuels de changement et d’innovation. Et que notre école tend au conformisme dans un monde qui a besoin de créativité.
Conçu dans la culture intellectuelle de l’époque des Lumières, dans les circonstances économiques de la révolution industrielle du 18ème siècle, l’éducation publique avait des objectifs, des attentes et des croyances spécifiques à la société de cette époque. Même si elle avait le but très digne de donner accès à une instruction pour tous, l’idée restait de satisfaire les besoins économiques des pays, les besoins d’industrialisation.
L’école est une usine dans laquelle on classe, par âge avec le point commun de la date de fabrication. Une usine de laquelle sortent des produits remplis de connaissances par lots standardisés. Une usine où lorsque le produit ne correspond pas aux normes, il est abandonné.
Basée essentiellement sur le développement de deux formes d’intelligence, l’intelligence logico-mathématique et verbo-linguistique, l’éducation ne permet pas de valoriser l’ensemble des potentialités des enfants et considère étroitement le talent et l’intelligence. Car elle cantonne l’intelligence à ces 2 conceptions à l’intérieur desquelles si nous n’entrons pas, nous sommes exclus, nous ne sommes pas intelligents, alors que l’intelligence peut prendre bien d’autres formes: spatiale, musicale, interpersonnelle, corporelle, naturaliste ou intrapersonnelle.
Une vision étroite de l’intelligence exclut un grand nombre d’enfants, gaspille des ressources extraordinairement créatives, originales, indispensables pour affronter les enjeux du monde d’aujourd’hui et de demain.
De plus les disciplines sont hiérarchisées et limitées privilégiant celles qui semblent les plus utiles pour trouver un travail (mathématiques, français). Sauf que ce schéma n’est plus valable aujourd’hui. Le diplôme n’est plus synonyme de travail et pourtant il ne cesse de subir une inflation.
Et les arts en sont les premières victimes. Les disciplines devraient être plus élargies de manière à ce que chaque enfant singulier puisse avoir l’opportunité de découvrir ses talents.
Cette école qui sanctionne les erreurs pourtant indispensables pour apprendre à avancer, reste autoritaire et ne valorise pas non plus suffisamment le travail en groupe, l’entraide alors que la collaboration est le meilleur des apprentissages. On sépare, atomise, forme une disjonction avec leur environnement naturel d’apprenant.
L’école remplit pendant des heures des corps qu’elle ne veut pas voir bouger et que nous anesthésions à coup de médicaments luttant contre « l’épidémie » de TDAH (Troubles Déficitaire de l’Attention et Hyperactivité). Comme en témoigne la hausse de prescriptions en France du méthylphénidate (dont le principal médicament est la Ritaline) médicament vendu pour traiter l’hyperactictivité passant de 280.000 boîtes prescrites en 2008 contre 500.000 en 2015, soit une augmentation de 80 %. La France à un nombre de prescription 40 fois supérieur à l’Islande. Aux Etats-Unis le nombre d’enfants diagnostiqués souffrant de TDAH a fait un bon de 43 % entre 2003 et 2011.
Alors que ces enfants vivent dans une époque qui n’a jamais été aussi stimulante d’un point de vue sensoriel, ils sont sanctionnés parce qu’ils se laissent distraire au lieu d’écouter des cours souvent ennuyeux alors que nous devrions les stimuler, les éveiller à ce qu’ils sont réellement.
Désormais dans cette ère planétaire, globale, multidimensionnelle, informationnelle, digitale, complexe, ce ne peut plus être une école standardisée, parcellisée, morcelée injectant de la connaissance en masse. C’est une école de qualité à laquelle on aspire, positive, enthousiasmante qui encourage, valorise nos enfants.
L’enfant qui est naturellement créatif, doit être encouragé à découvrir et à exploiter ses propres centres d’intérêts, ses talents, ce qui lui convient le mieux de façon à ce qu’il puisse par la suite se spécialiser. Lui apprendre à valoriser ce qu’il a de meilleur, ce qu’il sait le mieux faire plutôt que d’essayer d’améliorer ses points faibles. Du système éducatif, c’est un nivellement par le haut que l’on attend. De cette manière ils parviendront mieux aux apprentissages soi disant de base que sont le calcul, la lecture et l’écriture s’ils ont un intérêt pour l’enseignement.—-
Nous devons cultiver une pensée divergente, indispensable pour être créatif. Une pensée qui apporte une vision différente, des idées, des questions, des réponses différentes, qui aborde les choses sous des angles totalement nouveaux.
Cette école doit être plus globale, moins fragmentée. Elle doit produire une connaissance capable de saisir les enjeux globaux. L’enseignement doit apporter une vision d’ensemble et doit être transdisciplinaire, diversifiée et équilibrée.
Elle doit faire appel à toutes les capacités de notre cerveau et pas uniquement à celles de l’hémisphère gauche, analytique. Le cerveau droit, agissant au niveau de la créativité, de l’empathie, doit être stimulé de manière à favoriser l’équilibre et à nous servir de toutes nos capacités.
L’enseignant doit encourager, motiver, accompagner. Il doit être un guide et valoriser les potentiels.
L’éducation doit être permanente tout au long de la vie. Le monde, l’être humain évoluant, il a besoin de se former, de s’adapter, d’apprendre.
C’est pourquoi les institutions enseignantes doivent travailler en partenariat, en collaboration avec les différentes organisations (entreprises, laboratoires, associations, collectivités) de manière à ce que les individus fassent des allers-retours entre la structure apprenante et la structure réalisante.
L’élève doit lui-même gérer son propre parcours d’apprentissage. Il doit à la fois être apprenant et enseignant car l’explication impliquera de fait un approfondissement de la connaissance.
L’expérience sur le terrain sera indispensable et régulière tout au long de son parcours dans différents secteurs d’activités.
Apprendre est une chose naturelle pour l’être humain avec laquelle il doit renouer. Et pour que son adhésion soit entière, il doit être autonome, motivé, libre et créatif.
L’enjeu de l’éducation de cette nouvelle ère est de redonner le goût et la motivation de l’apprentissage.
Cet enseignement doit être collaboratif, en réseau et valoriser toutes les formes d’intelligence.
Sa mission doit davantage s’orienter vers le comment apprendre et donner les clés. Ce sont des têtes bien faites qui sont nécessaires et non bien pleines…
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