Les entreprises, les organisations quelles qu’elles soient, doivent redonner du sens à ce qu’elles font, elles doivent prendre conscience de l’importance, de l’impact qu’elles ont. Elles s’insèrent dans un écosystème où tout est imbriqué, connecté et elles doivent l’intégrer dans leur réflexion, leurs actions. Leur finalité première ne peut plus être le profit, la rentabilité, leur aspiration doit être plus grande, plus inspirante…
Elles doivent participer au bien commun, à l’intérêt partagé de toute la communauté, rendre service à l’humanité … Leur finalité doit être qualitative.
Le profit, l’argent n’est pas une mauvaise chose en soi, il a des avantages certains, comme celui de faciliter les échanges et d’accéder à un certain confort mais il ne doit plus être cherché pour lui-même sans nul autre intérêt, car nous savons combien cela vide de sens une société. Cependant, il peut devenir un moyen qui découle légitimement des actions entreprises, au-delà d’une fin en soi. Car même s’il peut être nécessaire, l’objectif d’une entreprise doit avant tout, servir un projet, et les bénéfices qu’elle en retire doivent être un produit dérivé, une conséquence d’un travail bien fait, secondaire. Le profit n’est pas mal en soi, tout comme la croissance, tout dépend de la place qu’on lui confère.
Un certain nombre d’organisations témoignent de cette entrée dans cette nouvelle approche économique, managériale. Des organisations dont l’objectif premier est de servir un projet, répondre à un besoin humain.
Présentées entre autres dans l’ouvrage de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations[1], ces organisations pionnières cherchent à redonner du sens à leur activité, à rendre le travail plus épanouissant et permettre à chacun d’exprimer pleinement son potentiel. Leur motivation n’est pas de faire « plus de résultats » mais de faire des choses justes en relation avec les valeurs qu’elles portent. Elles sont avant tout animées par la mise en œuvre d’une intention, elles sont centrées sur leur mission, de laquelle découle le profit. Celui-ci devient un moyen et non une fin…
FAVI, équipementier automobile est une fonderie de cuivre française qui est avant tout habitée par deux raisons d’être, deux projets fondamentaux. Tout d’abord fournir un travail qui ait du sens dans une région rurale ou les emplois intéressants sont peu nombreux et aimer ses clients et se faire aimer d’eux. Cette entreprise, alors que tous ses concurrents européens ont mis la clé sous la porte ou délocalisé leur production a résisté, offrant même à ses employés un salaire au-dessus du marché. Son mode de fonctionnement lui a également permis de faire face à la crise sans licencier et malgré une baisse de son chiffre d’affaires de 30% en 2008, elle a dégagé une marge brute de 3,3%. Elle compte désormais 500 salariés alors qu’ils n’étaient que 80 en 1980 et bénéficie d’une excellente réputation auprès de ses clients.
Buurtzorg, organisation néerlandaise de soins à domicile aux personnes âgées et malades, a pour principale préoccupation la qualité de la prise en charge de ses patients. Elle est profondément animée par l’aide qu’elle peut apporter aux personnes afin de les rendre le plus autonome possible. Démarche sans doute plus facilement compréhensible dans le social que dans l’industrie, il n’empêche que cette association a connu une croissance extrêmement rapide. Passant de 10 salariés en 2006 à 7000 en 2013, en employant les deux tiers des infirmières, elle a dégagé, en 2012, un excédent de 7% de son chiffre d’affaires. En aidant les patients à redevenir autonomes, en étant à l’écoute et dans l’empathie, Buutzorg a réduit de 40% en moyenne le temps de soins par rapport aux autres organisations, de plus les patients restent moins longtemps en soin et il y a moins de demandes d’admissions aux urgences. Il en découle des économies considérables pour la sécurité sociale néerlandaise[2], soit 2 milliards d’économie par an si toutes les entreprises d’aide à domicile connaissaient les mêmes performances.
Redonner du sens au-delà du profit est donc possible et tellement plus efficient. Ces entreprises se révèlent être finalement, beaucoup plus productives que celles du modèle industriel traditionnel n’ayant pour unique objectif que le profit car elles se nourrissent d’un projet bien plus supérieur…
[1] Laloux Frédéric, Reinventing Organizations : Vers des communautés de travail inspirées, Diateno, 2015. Vendu à plus de 100.000 exemplaires.
[2] Etude d’Ernest & Young.